Élément fédérateur de l’Istanbul moderne, la place Taksim occupe un rôle majeur dans le fonctionnement, l’organisation et l’histoire de la métropole.

Place publique, elle est le lieu privilégié des festivités, manifestations et rassemblement urbains. Très appréciée, les Stambouliotes viennent y flâner, boire un thé et se rencontrer.

Fréquentée par les locaux, elle n’en laisse pas moins indifférents les touristes qui après une longue marche sur l’avenue Istiklal, entièrement dédiée aux commerces et à la restauration, viennent s’adjuger une pause bien méritée aux abords du Cumhuriyet Anıtı (monument de la République ).

Récréative oui, logistique également… Plate-forme multimodale à grande échelle, le trafic y est important. Très empruntée par les voitures, de nombreux bus parcourant la ville y ont également leur terminus. La ligne M2 du métro passe par la place Taksim. La place est accessible via le tramway et le Tünel, funiculaire partant du quartier de Karaköy point d’attache pour les ferries assurant la traversée entre les rives anatolienne et européenne.

Mais la place Taksim est avant tout un espace urbain chargé d’histoire. Elle servît autrefois de carrefour stratégique dans la distribution d’eau pour la métropole. Habillée du monument dédié aux héros de l’indépendance, elle est le symbole des revendications de la gauche turque dans les années 1970. Un peu plus tôt dans l’histoire (début du XXe siècle), elle abrita une caserne de l’armée ottomane.

Lancé en novembre 2012 par la grande municipalité d’Istanbul, restée très largement sous le contrôle du Premier Ministre Recep Tayyip Erdogan (ancien maire d’Istanbul), le projet de transformation de la place Taksim est un vaste chantier consistant à piétonniser l’intégralité de la place, renvoyant ainsi l’ensemble du trafic routier sous-terre.

À première vue le projet semble séduisant, se recentrant sur l’individu et ses usages. Toutefois, la réalisation de ce projet menace l’existence du parc de Gezi.

Le parc est un des rares îlots de fraîcheur et espace de détente du centre de la métropole. Les Stambouliotes aiment s’y réfugier afin d’échapper à la frénésie ambiante.

La caserne ottomane, autrefois détruite pour laisser place au parc de Gezi, a été réintégrée dans le projet urbain de transformation de la place Taksim afin de devenir un centre commercial s’accompagnant de restaurants et de plusieurs infrastructures culturelles et hôtelières.

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Cagdas Onder a milité au sein du réseau de solidarité de Taksim : “Le gouvernement a, dès le début des années 2000, amorcé une politique urbanistique du tout béton qui ne prend en compte ni l’aspect humain ni celui écologique de la ville.“

Ce projet est à l’origine des violents affrontements entre la population et les forces de l’ordre ayant frappé Istanbul puis l’ensemble de la Turquie en mai dernier. Le peuple a soufflé un vent de révolte contre la politique de développement menée par le gouvernement et le manque de transparence et de consultation dans la mise en place des projets d’aménagement.

Voulant faire de la place Taksim une vitrine de l’Istanbul moderne, le gouvernement a profondément modifié les fonctions de cet espace urbain et l’image lui étant rattachée.

Akif Burak Atlar, le secrétaire de la chambre des planificateurs urbains : « Quand on a quelque chose à revendiquer, à crier, à célébrer, cela se passe toujours ici. C’est le lieu des manifestations. Mais, pour Erdogan, aussi c’est le lieu d’expression d’une idéologie. Ce quartier vivant et festif représente tout ce que le gouvernement déteste ».

Alors que le gouvernement a lancé Istanbul dans une folle course au développement économique, il semblerait passer outre certains mécanismes de la construction urbaine. N’oublions pas que la place publique est avant tout dédiée à l’usage de l’individu mais qu’elle doit également s’adapter aux nouveaux besoins d’organisation de la métropole. Par conséquent, le consensus urbain apparaît comme la meilleure des solutions pour préserver l’identité de la place publique tout en l’adaptant aux tendances urbaines du XXIe.

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